A minuit précise, Monsieur l’aumônier de la troupe scoute apporta dans
la crèche l’enfant Jésus, c’est-à-dire un mignon petit garçon né au
début du mois, et le remit entre les bras de ‘’ Marie’’ figurée par
Paquita, jeune Portugaise habitant l’immeuble. Joseph s’appelait Hans :
il était Hollandais. Les bergers étaient l’un Arabe, le second
Espagnol, un autre Grec et même le dernier était Africain. Derrière la
crèche, attaché à l’un des piliers qui soutenaient, un vrai âne, un
vrai bœuf avaient été prêtés par un fermier de la banlieue, tandis
qu’une dizaine de moutons bêlaient à qui mieux mieux au milieu de toute
cette foule et de tout ce bruit. Mais Bichon, le berger Briard aux
longs poils roux montait bonne garde, comme s’il était dans le pré.
Lorsque l’enfant Jésus fut dans les bras de Marie, tout le monde
entonna l’immortel ‘’ Minuit Chrétiens ‘’. A ce chant, succédèrent ‘’
Il est né le divin enfant ‘’ et autres de Noël, quand passa sur la
chaîne Hi-fi ‘’ Mon Beau Sapin’’. On chanta dans toutes les langues,
accompagnés par la guitare de Django, le banjo de Bamako, et les
castagnettes de Raimundo. Le micro amplifiait tout. Le disc-jockey
était devenu animateur et menait avec ferveur cette étrange formation.
Car ils étaient tous venus, les habitants du H.L.M. et les gens de la
‘’Zone ‘’. Et chacun, conscient de la solennité du moment, avait revêtu
les vêtements qu’ils jugeaient les plus digne de cette fête organisée
pour eux chez eux.
Django avait mis un habit de lumière, c'est-à-dire qu’il portait une
chemise brillante, et qu’il avait cousu des paillettes sur son pantalon
noir. Il avait passé un gilet rouge et s’était coiffé d’un grand
chapeau noir, qu’il enleva en passant près de la crèche . Jeannot, lui, avait mis son jean le plus valable, son blouson de cuir
et ses baskets qui étaient blanches jadis. Il avait aussi demandé au
peigne de discipliner quelque peu sa chevelure crépu et rebelle.
Bamako avait ciré ses sandales, et arborait un boubou d’une blancheur
immaculée. Il avait choisi un collier de ses amulettes les plus
bénéfiques et souriait de toutes ses dents.
Ali portait le saroual large des tributs Berbères des Auras. Et s’il
avait pendu un impressionnant poignard à sa large ceinture, s’il
s’était muni de son sabre de cavalier, c’était uniquement pour paraître
encore plus viril !.
Raimundo l’Andalou arborait le pantalon noir gansé de satin brillant,
la ceiture rouge et la chemise blanche aux larges manches des jours de
fêtes espagnoles. Il n’avait pas oublié les souliers noirs et le court
boléro des ‘’ Caballéros’’ de son pays.
La vieille Marie, tremblante et chevrotante avait peigné ses cheveux et
endossé une robe de moire violette datant de ses jeunes années. Sur la
tête une grande mantille noire que venait de lui offrir Raimundo.
Dédé le chômeur, presque sans ressources, avait tout simplement fait
une grande toilette soignée, et avait mis des vêtements et des souliers
usés, mais très propre. Il s’était fait coiffer et raser par un copain.
La même ligne de conduite avait été adoptée par les marginaux et les
anciens détenus , ainsi que la totalité des habitants de l’immeuble.
Lorsque fut terminée la partie sacrée de la fête, trois personnes se
présentèrent au micro : le Chef de la troupe scoute, ainsi que les
inséparables Séverino et Jo, tous en tenues impeccables , cela va sans
dire !
Le Chef de troupe explique enfin à tous ces gens les raisons de cette
fête pas comme les autres et le rôle primordial qu’avaient joué
Séverino et Jo. Et il eut bien du mal à aller au bout de son discours,
tans il était interrompu par les applaudissements, les cris et les
manifestations de joie de toutes sortes. Il lui fallut presque se
fâcher pour être entendu de l’assistance, excitée par la célébration de
ce Noël pas comme les autres. |
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