CHAPITRE V
Vive Noël
A minuit précise, Monsieur l’aumônier de la troupe scoute apporta dans la crèche l’enfant Jésus, c’est-à-dire un mignon petit garçon né au début du mois, et le remit entre les bras de ‘’ Marie’’ figurée par Paquita, jeune Portugaise habitant l’immeuble. Joseph s’appelait Hans : il était Hollandais. Les bergers étaient l’un Arabe, le second Espagnol, un autre Grec et même le dernier était Africain. Derrière la crèche, attaché à l’un des piliers qui soutenaient, un vrai âne, un vrai bœuf avaient été prêtés par un fermier de la banlieue, tandis qu’une dizaine de moutons bêlaient à qui mieux mieux au milieu de toute cette foule et de tout ce bruit. Mais Bichon, le berger Briard aux longs poils roux montait bonne garde, comme s’il était dans le pré.
Lorsque l’enfant Jésus fut dans les bras de Marie, tout le monde entonna l’immortel ‘’ Minuit Chrétiens ‘’. A ce chant, succédèrent ‘’ Il est né le divin enfant ‘’ et autres de Noël, quand passa sur la chaîne Hi-fi ‘’ Mon Beau Sapin’’. On chanta dans toutes les langues, accompagnés par la guitare de Django, le banjo de Bamako, et les castagnettes de Raimundo. Le micro amplifiait tout. Le disc-jockey était devenu animateur et menait avec ferveur cette étrange formation.
Car ils étaient tous venus, les habitants du H.L.M. et les gens de la ‘’Zone ‘’. Et chacun, conscient de la solennité du moment, avait revêtu les vêtements qu’ils jugeaient les plus digne de cette fête organisée pour eux chez eux.
Django avait mis un habit de lumière, c'est-à-dire qu’il portait une chemise brillante, et qu’il avait cousu des paillettes sur son pantalon noir. Il avait passé un gilet rouge et s’était coiffé d’un grand chapeau noir, qu’il enleva en passant près de la crèche .
Jeannot, lui, avait mis son jean le plus valable, son blouson de cuir et ses baskets qui étaient blanches jadis. Il avait aussi demandé au peigne de discipliner quelque peu sa chevelure crépu et rebelle.
Bamako avait ciré ses sandales, et arborait un boubou d’une blancheur immaculée. Il avait choisi un collier de ses amulettes les plus bénéfiques et souriait de toutes ses dents.
Ali portait le saroual large des tributs Berbères des Auras. Et s’il avait pendu un impressionnant poignard à sa large ceinture, s’il s’était muni de son sabre de cavalier, c’était uniquement pour paraître encore plus viril !.
Raimundo l’Andalou arborait le pantalon noir gansé de satin brillant, la ceiture rouge et la chemise blanche aux larges manches des jours de fêtes espagnoles. Il n’avait pas oublié les souliers noirs et le court boléro des ‘’ Caballéros’’ de son pays.
La vieille Marie, tremblante et chevrotante avait peigné ses cheveux et endossé une robe de moire violette datant de ses jeunes années. Sur la tête une grande mantille noire que venait de lui offrir Raimundo.
Dédé le chômeur, presque sans ressources, avait tout simplement fait une grande toilette soignée, et avait mis des vêtements et des souliers usés, mais très propre. Il s’était fait coiffer et raser par un copain. La même ligne de conduite avait été adoptée par les marginaux et les anciens détenus , ainsi que la totalité des habitants de l’immeuble.
Lorsque fut terminée la partie sacrée de la fête, trois personnes se présentèrent au micro : le Chef de la troupe scoute, ainsi que les inséparables Séverino et Jo, tous en tenues impeccables ,
cela va sans dire !
Le Chef de troupe explique enfin à tous ces gens les raisons de cette fête pas comme les autres et le rôle primordial qu’avaient joué Séverino et Jo. Et il eut bien du mal à aller au bout de son discours, tans il était interrompu par les applaudissements, les cris et les manifestations de joie de toutes sortes. Il lui fallut presque se fâcher pour être entendu de l’assistance, excitée par la célébration de ce Noël pas comme les autres.

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