CHAPITRE III
Conciliabules
En regagnant son appartement, Séverino réfléchissait, très très intensément. Il avait, selon une expression qui lui était chère, la cervelle en ébullition, la tête prête à éclater
tant les idées s’y bousculaient.
L’année prochaine, il n’y aurait pas de cuisine ‘’ Quatre étoiles’’, pas de vins de Pommard, ou de Pommery. Il n’y aurait pas non plus de serveurs stylés, ni de vaisselle d’argent, de cristal ou de porcelaine. Mais il y aurait de la joie, foi de Séverino, même si l’on était assis par terre, tous en rond, et si l’on mangeait avec les doigts dans des assiettes en carton ou des gamelles en fer, comme le fait Jo, son voisin de palier, quand il met son uniforme et son foulard, quand il s’en va camper avec ses copains aux pantalons de velours, aux chemises bleues, jaunes ou rouges,
et aux foulards noués autour du cou.
Jo avait quinze ans, Il était Scout et portait les insignes de Chef de Patrouille. C’était pour Séverino le petit frère qu’il n’avait pas, le petit frère qui était toujours prêt à l’écouter, à l’aider, un petit frère tout simplement. Et Jo pourrait peut-être bien aider Séverino à réaliser son rêve.
Mais pour cela, il fallait en parler à son petit ami.
Jo était parti pour quelques jours, en camp d’hiver. Et quand il rentra, il ne tarda pas à recevoir la visite de Séverino. Ils avaient tant de choses à se dire, des conseils à demander, des idées à réaliser. Et la visite qu’il rendit à Jo fut très très longue. Elle dura jusqu’au soir, mais se termina à la satisfaction de l’un et de l’autre. Le sujet de cette visite, de cette si longue conversation était bien sûr, ‘’ Comment faire pour que le prochain Noël de nos amis’’ (appelons-les comme ça) Django, Jeannot, Bamako, Ali ou Raimundo soit un Noël, un Noël de joie et d’amitié, et où chacun serait heureux d’être là ! Comment faire pour les comblé d’une vraie joie. Comment faire offrir à tous une joie intense, aussi intense que le serait celle des footballeurs, pongistes et tennismans si….
Comment ramener le sourire sur les yeux las de Dédé qui est sans travail, la sérénité sur les épaules usées de la vieille Marie. Comment effacer la résignation qui éclate sur les visages de ces anciens détenus, de ces marginaux, de ces errants qui rôdaient par là. S’occuper de tant de gens était trop lourd, trop difficile, pour un cœur de tendresse, même quand ce cœur est gros comme ça.
Les dés étaient désormais jetés et l’idée fit son chemin, à tous les échelons de la troupe Scout, à laquelle appartenait Jo, qui commençait ses activités.
Louveteaux et Jeannettes, Guides, Rangers ou Pionniers, dirigeants laïques ou religieux, ainsi que les parents des uns et des autres, chacun s’attela à une partie du problème. Et Séverino, sollicité de toutes parts par les uns et les autres, commet plus d’une fois le péché d’orgueil. Mais Monsieur l’ Aumônier, qui était là pour coordonner les efforts de tous, mais qui jugeait bon de ramener à plus de modestie notre jeune ami Séverino. Il sut trouver les mots qu’il fallait pour que sa fierté ne soit pas excessive, même s’il était à l’origine de la vaste action entreprise. Et chaque membre de la troupe Scoute n’eut pas à faire preuve de beaucoup d’imagination pour trouver le thème de sa B.A. ( Bonne Action ) quotidienne.
Ah ! Oui ! Il y en eut des conciliabules, des entretiens, avec les Scouts de toute la cité forbachoise. Il y en eut, des entrevues avec les parents de l’un, avec les relations de l’autre. Toute la population Scoute avait tenu à répondre ‘’ Présent’’. Et désormais Séverino dormait tranquille. ‘’ Sa’’ fête de Noël allait être la plus belle fête de Noël qui soit.

Aller au chapitre IV

Retour au menu

Chez Manon © 2004