CHAPITRE I
Ceux du H.L.M
Il y avait de tout dans ce H.L.M. de la banlieue forbachoise. Ils semblaient s’y être donné rendez-vous. Habitants visiteurs et passants, on croisait toutes les races, et toutes les couches de la population. Des Arabes côtoyaient des Ivoiriens du plus beau noir. Des marginaux, venus là pour s’arrêter quelques jours dans leur vie errante, avaient partagé leur couche de fortune avec des Gitans traqués par les populations. On voyait aussi rôder quelques adolescents plus ou moins désoeuvrés. On rencontrait même des délinquants primaires ou non , échoués là à leur sortie de prison parce qu’on n’en avait pas voulu ailleurs. Le chômage, le désoeuvrement, la misère, la promiscuité, le vice même avaient fait de ce H.L.M. et de ses dépendances une véritable Terre, évitée par toutes les couches honnêtes et bien pensantes de la population.
Rien n’était fait pour humaniser un peu le sort de ces gens.
Pas de salles de réunion pour les amateurs de jeux tels que cartes, dés et autres. On jouait au tennis avec une méchante raquette en envoyant une balle pelée contre un mur lézardé. On jouait au ping-pong, sans avoir la table. Quelques gamins se livraient un passionnant math de football avec bien sûr une boite en fer blanc bruyante à souhait.
Dans un coin, Django le Gitan grattait une guitare plutôt crasseuse, entouré de ses ‘’ fans’’ quelques garçons et quelques filles aux jeans tellement délavés
qu’ils en étaient devenus transparents, au seuil même de la rupture.
Un peu plus loin Jeannot, harassé par tout le bruit que faisaient autour de lui
ses nombreux frères et sœurs, tentait de résoudre un problème ardu.
Il étudiait avec acharnement parce qu’il avait envie d’être Normalien.
Et Bamako, l’un des Ivoiriens, évoquait à une cour de gamins ravis, le soleil,
les fleuves étincelants et les arbres gigantesques de son Afrique natale.
Il y avait encore Ali, venu d’Algérie pour être manœuvre dans une entreprise de construction,
qui sortait soudain son tapis de prières, afin de faire ses oraisons rituelles
tourné vers sa ville sacrée : La Mecque.
Raimundo l’Espagnol rêvait au chaud soleil d’Andalousie, en écoutant
sur un vieux magnétophone une cassette de Manitas de Plata.
Tous n’étaient riches que d’espoir, quand ils n’étaient pas vaincus par la résignation. Eux qui étaient venus en France pleins d’espoir alléchés par du travail bien rétribué, un logement décent ou une vie plus facile qu’en Afrique, en Andalousie ou ailleurs, avaient échoué là, riches maintenant de toute la déception du monde, car ils n’avaient pas vu leurs rêves se réaliser. Et chacun rêvaient, en son for intérieur , de quelque chose de merveilleux, de fabuleux, d’extraordinaire, d’ inouï et qui transformerait sa petite existence misérable ne serait-ce qu’un seul jour, quelque chose qui n’améliorerait pas ses conditions de vie mais qui y apporterait le rayon de soleil que seul peut apporter un peu de superflu. Les gens bien pensants appellent ça de l’inutile mais, comme le dit un poète :’’ C’est bien plus beau lorsque c’est inutile !’’.

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