Il
y avait de tout dans ce H.L.M. de la banlieue forbachoise.
Ils semblaient s’y être donné rendez-vous. Habitants
visiteurs et passants, on croisait toutes les races, et
toutes les couches de la population. Des Arabes côtoyaient
des Ivoiriens du plus beau noir. Des marginaux, venus là
pour s’arrêter quelques jours dans leur vie errante,
avaient partagé leur couche de fortune avec des Gitans
traqués par les populations. On voyait aussi rôder
quelques adolescents plus ou moins désoeuvrés. On
rencontrait même des délinquants primaires ou non , échoués
là à leur sortie de prison parce qu’on n’en avait
pas voulu ailleurs. Le chômage, le désoeuvrement, la misère,
la promiscuité, le vice même avaient fait de ce H.L.M.
et de ses dépendances une véritable Terre, évitée par
toutes les couches honnêtes et bien pensantes de la
population. Rien n’était fait pour humaniser un peu le
sort de ces gens.
Pas de salles de réunion pour les amateurs de jeux tels
que cartes, dés et autres. On jouait au tennis avec une méchante
raquette en envoyant une balle pelée contre un mur lézardé.
On jouait au ping-pong, sans avoir la table. Quelques
gamins se livraient un passionnant math de football avec
bien sûr une boite en fer blanc bruyante à souhait.
Dans un coin, Django le Gitan grattait une guitare plutôt
crasseuse, entouré de ses ‘’ fans’’ quelques garçons
et quelques filles aux jeans tellement délavés qu’ils
en étaient devenus transparents, au seuil même de la
rupture.
Un peu plus loin Jeannot, harassé par tout le bruit que
faisaient autour de lui ses nombreux frères et sœurs,
tentait de résoudre un problème ardu. Il étudiait avec
acharnement parce qu’il avait envie d’être Normalien.
Et Bamako, l’un des Ivoiriens, évoquait à une cour de
gamins ravis, le soleil, les fleuves étincelants et les
arbres gigantesques de son Afrique natale.
Il y avait encore Ali, venu d’Algérie pour être manœuvre
dans une entreprise de construction, qui sortait soudain
son tapis de prières, afin de faire ses oraisons
rituelles tourné vers sa ville sacrée : La Mecque.
Raimundo l’Espagnol rêvait au chaud soleil
d’Andalousie, en écoutant sur un vieux magnétophone
une cassette de Manitas de Plata. Tous n’étaient riches que d’espoir, quand ils n’étaient
pas vaincus par la résignation. Eux qui étaient venus en
France pleins d’espoir alléchés par du travail bien rétribué,
un logement décent ou une vie plus facile qu’en
Afrique, en Andalousie ou ailleurs, avaient échoué là,
riches maintenant de toute la déception du monde, car ils
n’avaient pas vu leurs rêves se réaliser. Et chacun rêvaient,
en son for intérieur , de quelque chose de merveilleux,
de fabuleux, d’extraordinaire, d’ inouï et qui
transformerait sa petite existence misérable ne serait-ce
qu’un seul jour, quelque chose qui n’améliorerait pas
ses conditions de vie mais qui y apporterait le rayon de
soleil que seul peut apporter un peu de superflu. Les gens
bien pensants appellent ça de l’inutile mais, comme le
dit un poète :’’ C’est bien plus beau lorsque
c’est inutile !’’. |
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