Les poètes et l'automne...

En automne

Quand de la divine enfant de Norvège, 
Tout tremblant d'amour, j'osai m'approcher,
Il tombait alors des flocons de neige.

Comme un martinet revole au clocher,
Quand je la revis, plein d'ardeurs plus fortes,
Il tombait alors des fleurs de pêcher.

Ah ! je te maudis, exil qui l'emportes 
Et me veux du cœur l'espoir arracher !
Il ne tombe plus que des feuilles mortes.

François COPPEE

           

Le brave, brave automne !

Quand reviendra l'automne,
Cette saison si triste,
Je vais m' la passer bonne,
Au point de vue artiste.

Car le vent, je l' connais,
Il est de mes amis !
Depuis que je suis né
Il fait que j'en gémis...

Et je connais la neige,
Autant que ma chair même,
Son froment me protège
Contre les chairs que j'aime...

Et comme je comprends
Que l'automnal soleil
Ne m'a l'air si souffrant
Qu'à titre de conseil !...

Puis rien ne saurait faire
Que mon spleen ne chemine
Sous les spleens insulaires
Des petites pluies fines....

Ah ! l'automne est à moi,
Et moi je suis à lui,
Comme tout à " pourquoi ?
Et ce monde à " et puis ? "

Quand reviendra l'automne,
Cette saison si triste,
Je vais m' la passer bonne
Au point de vue artiste.

Jules LAFORGUE

           

Automne

Comme la lande est riche aux heures empourprées,
Quand les cadrans du ciel ont sonné les vesprées !

Quels longs effeuillements d'angélus par les chênes !
Quels suaves appels des chapelles prochaines !

Là-bas, groupes meuglant de grands bœufs aux yeux glauques
Vont menés par des gars aux bruyants soliloques.

La poussière déferle en avalanches grises
Pleines du chaud relent des vignes et des brises.

Un silence a plu dans les solitudes proches :
Des Sylphes ont cueilli le parfum mort des cloches.

Quelle mélancolie ! Octobre, octobre en voie !
Watteau ! que je vous aime, Autran, ô Millevoye !

Emile NELLIGAN

           

Automne

A pas lents et suivis du chien de la maison
Nous refaisons la route à présent trop connue. 
Un pâle automne saigne au fond de l'avenue, 
Et des femmes en deuil passent à l'horizon.

Comme dans un préau d'hospice ou de prison, 
L'air est calme et d'une tristesse contenue ; 
Et chaque feuille d'or tombe, l'heure venue, 
Ainsi qu'un souvenir, lente, sur le gazon.

Le Silence entre nous marche... Cœurs de mensonges,
Chacun, las du voyage, et mûr pour d'autres songes, 
Rêve égoïstement de retourner au port.

Mais les bois ont, ce soir, tant de mélancolie
Que notre cœur s'émeut à son tour et s'oublie
A parler du passé, sous le ciel qui s'endort,

Doucement, à mi-voix, comme d'un enfant mort...

Albert SAMAIN

           

Dans le silencieux automne ...

Dans le silencieux automne
D'un jour mol et soyeux,
Je t'écoute en fermant les yeux,
Voisine monotone.

Ces gammes de tes doigts hardis,
C'était déjà des gammes
Quand n'étaient pas encor des dames
Mes cousines, jadis ;

Et qu'aux toits noirs de la Rafette,
Où grince un fer changeant,
Les abeilles d'or et d'argent
Mettaient l'aurore en fête.

Paul-Jean TOULET

           

Octobre est doux...

Octobre est doux. - L'hiver pèlerin s'achemine 
Au ciel où la dernière hirondelle s'étonne. 
Rêvons... le feu s'allume et la bise chantonne. 
Rêvons... le feu s'endort sous sa cendre d'hermine.

L'abat-jour transparent de rose s'illumine. 
La vitre est noire sous l'averse monotone. 
Oh ! le doux "remember" en la chambre d'automne, 
Où des trumeaux défunts l'âme se dissémine.

La ville est loin. Plus rien qu'un bruit sourd de voitures 
Qui meurt, mélancolique, aux plis lourds des tentures... 
Formons des rêves fins sur des miniatures.

Vers de mauves lointains d'une douceur fanée 
Mon âme s'est perdue ; et l'Heure enrubannée 
Sonne cent ans à la pendule surannée...

Albert SAMAIN

           

L'Automne

Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil,
Embrase le coteau vermeil
Que la vigne pare et festonne.

Père, tu rempliras la tonne
Qui nous verse le doux sommeil ;
Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil.

Déjà la Nymphe qui s'étonne,
Blanche de la nuque à l'orteil,
Rit aux chants ivres de soleil
Que le gai vendangeur entonne.
Sois le bienvenu, rouge Automne.

Théodore de BANVILLE

           

Chant d'automne


I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ; 
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! 
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres 
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire
Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre, 
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer, 
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre, 
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre cœur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou sœur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche ! La tombe attend; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !

Charles BAUDELAIRE

           

Rayons d'octobre (I)

Octobre glorieux sourit à la nature. 
On dirait que l'été ranime les buissons.
Un vent frais, que l'odeur des bois fanés sature,
Sur l'herbe et sur les eaux fait courir ses frissons.

Le nuage a semé les horizons moroses, 
De ses flocons d'argent. Sur la marge des prés, 
Les derniers fruits d'automne, aux reflets verts et roses, 
Reluisent à travers les rameaux diaprés.

Forêt verte qui passe aux tons chauds de l'orange ;
Ruisseaux où tremble un ciel pareil au ciel vernal ;
Monts aux gradins baignés d'une lumière étrange. 
Quel tableau ! quel brillant paysage automnal !

À mi-côte, là-bas, la ferme ensoleillée, 
Avec son toit pointu festonné de houblons, 
Paraît toute rieuse et comme émerveillée 
De ses éteules roux et de ses chaumes blonds.

Aux rayons dont sa vue oblique est éblouie, 
L'aïeul sur le perron familier vient s'asseoir : 
D'un regain de chaleur sa chair est réjouie, 
Dans l'hiver du vieillard, il fait moins froid, moins noir.

Calme et doux, soupirant vers un lointain automne, 
Il boit la vie avec l'air des champs et des bois,
Et cet étincelant renouveau qui l'étonne 
Lui souffle au cœur l'amour des tendres autrefois.

De ses pieds délicats pressant l'escarpolette, 
Un jeune enfant s'enivre au bercement rythmé,
Semblable en gentillesse à la fleur violette
Que l'arbuste balance au tiède vent de mai.

Près d'un vieux pont de bois écroulé sur la berge, 
Une troupe enfantine au rire pur et clair, 
Guette, sur les galets qu'un flot dormant submerge, 
La sarcelle stridente et preste qui fend l'air.

Vers les puits dont la mousse a verdi la margelle, 
Les lavandières vont avec les moissonneurs ;
Sous ce firmament pâle éclate de plus belle 
Le charme printanier des couples ricaneurs.

Et tandis que bruit leur babillage tendre, 
On les voit déroulant la chaîne de métal 
Des treuils mouillés, descendre et monter et descendre 
La seille d'où ruisselle une onde de cristal.

Nérée BEAUCHEMIN

           

Chanson d'automne

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

Paul VERLAINE

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