Poésie de Noël

Noël

Le ciel est noir, la terre est blanche ;
- Cloches, carillonnez gaîment ! -
Jésus est né ; - la Vierge penche
Sur lui son visage charmant.

Pas de courtines festonnées
Pour préserver l'enfant du froid ;
Rien que les toiles d'araignées
Qui pendent des poutres du toit.

Il tremble sur la paille fraîche,
Ce cher petit enfant Jésus,
Et pour l'échauffer dans sa crèche
L'âne et le bœuf soufflent dessus.

La neige au chaume coud ses franges,
Mais sur le toit s'ouvre le ciel
Et, tout en blanc, le chœur des anges
Chante aux bergers : " Noël ! Noël ! "

Théophile Gautier

Messe de minuit

Chapelets, bruits de pas, accès de toux, murmures...
Des légions d'ave s'en vont heurter au ciel.
L'orgue joue en sourdine un antique noël
Et le peuple, tout bas, répète les mesures.

Ils reviennent couverts de nouvelles blessures
Ceux qui de l'an dernier espéraient tant de miel,
Et gagnés par la crèche, offrent à l'Éternel
L'encens de leur espoir en ses bontés futures. 

Noyé de luxe en son berceau de mendiant 
Que veillent les bergers et les rois d'orient, 
L'enfant divin sourit, du fond de son étable.

Désespérant tableau du sort inévitable, 
Là naissance et bonheur ; en même temps je vois : 
" Onzième station : Jésus mis sur la croix. "

Alphonse Beauregard

Nativité

D'aucuns ont un pleur charitable
Pour Jésus né dans une étable.
Je sais un sort plus lamentable

Je sais un enfant ramassé,
Un jour de décembre glacé,
Nu comme un ver, dans un fossé.

Il est nuit. Pas une voisine
N'offre à sa grange ou sa cuisine
A la pauvre mère en gésine.

Malgré sa mine et son danger,
Qui donc voudrait se déranger ?
Elle est en pays étranger.

Donc, depuis l'étape dernière
Se traînant d'ornière en ornière,
Elle va, bête sans tanière,

Bête hagarde qui s'enfuit
Et cherche à tâtons un réduit,
Les yeux grands ouverts dans la nuit.

Ses reins lui pèsent. Ses mamelles
Que gonflent des cuissons jumelles
Sont pleines comme des gamelles.

Son ventre, où flambent des chardons,
Sent l'enfant, fils des vagabonds,
Qui veut sortir et fait des bonds.

Elle va quand même, plus lente,
Tirant ses pieds lourds dont la plante
Saigne. Elle va, folle, hurlante,

Soûle, et, boule, roule au fossé ,
Et maudit le mâle exaucé
Par qui son flanc fût engrossé.

La face au ciel, comme en extase,
Elle se tord. Son cou s'écrase
Sur les cailloux et dans la vase.

Elle accouche enfin, en crevant ;
Et le gueux nouvel arrivant
Grelotte et vagit en plein vent.

Le vent est dur, sa chair est nue.
Aucune étoile dans la nue
Ne vient saluer sa venue.

Pas de mages, pas de cadeaux,
De crèches, de bergers badauds !
Il est seul, couché sur le dos,

Comme un supplicié qui clame,
Tout noir près du cadavre blême,
Sans personne au monde qui l'aime ;

Et, par sa mère au ventre ouvert
Je jure, le front découvert,
Que l'autre n'a pas tant souffert !

Jean Richepin

Noël de vieil artiste

La bise geint, la porte bat, 
Un Ange emporte sa capture. 
Noël, sur la pauvre toiture, 
Comme un De Profundis, s'abat. 

L'artiste est mort en plein combat, 
Les yeux rivés à sa sculpture. 
La bise geint, la porte bat, 
Un Ange emporte sa capture. 

Ô Paradis ! puisqu'il tomba, 
Tu pris pitié de sa torture. 
Qu'il dorme en bonne couverture, 
Il eut si froid sur son grabat ! 

La bise geint, la porte bat... 

Emile Nelligan

La nuit de Noël

L'air est glacé, mais la nuit est sereine, 
Les astres clairs nagent en un ciel pur ; 
J'entends gémir les eaux de la fontaine ; 
Le firmament étale son azur.

L'airain battu d'un coup triste et sonore 
Seul a troublé le repos de la nuit. 
Il est une heure, et moi je veille encore ; 
Je veille seul, et le repos me fuit.

Oh ! que de fois le silence nocturne 
Prêta son calme à mes songes divers ! 
Oh ! que de fois ma lampe taciturne 
M'a vu rêver, lire, tracer des vers !

Nuit de Noël, derniers jours de l'année, 
Oh ! que de jeux, de paix et de plaisirs 
Vous rappelez à mon âme fanée ! 
Et tout a fui sous de nouveaux désirs !

Comme d'un rêve aussi doux que rapide, 
Il me souvient de ce bonheur passé. 
Bonheur d'enfance, imprévoyant, avide, 
Que la raison a si vite effacé...

Il me souvient de ces cadeaux magiques 
À mon réveil offerts dès le matin, 
Et du foyer, et des plombs fantastiques, 
Dont les contours présageaient le destin.

Me disaient-ils que je serais poète, 
Victime, hélas ! des désirs de mon cœur ? 
Que le chagrin ferait courber ma tête, 
Et que jamais je n'en serais vainqueur ?...

*

Déjà la cloche a répété quatre heures ; 
Je veille encor, je veille pour chanter. 
Un bruit soudain ébranle nos demeures ; 
Quelle douceur je trouve à l'écouter !

Quels sons divins, quelle auguste harmonie 
L'airain du temple exhale dans les airs ! 
Comme l'espoir, mon âme rajeunie 
Entend vibrer les célestes concerts.

Nuit de Noël, nuit de paix et de joie, 
C'est dans ton sein qu'un Sauveur nous est né. 
Le cœur soumis qui marche dans ta voie, 
Humble et joyeux, n'est pas abandonné.

Ô mon Sauveur, viens éclairer ma route ! 
Viens me couvrir des ailes de la foi ! 
Ouvre mon âme et dissipe mon doute ; 
Viens, je t'attends et je me livre à toi.

Jacques-Imbert Galloix

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