Poèmes sur l'amour

Amour immaculé

Je sais en une église un vitrail merveilleux
Où quelque artiste illustre, inspiré des archanges,
A peint d'une façon mystique, en robe à franges,
Le front nimbé d'un astre, une Sainte aux yeux bleus.

Le soir, l'esprit hanté de rêves nébuleux
Et du céleste écho de récitals étranges,
Je m'en viens la prier sous les lueurs oranges
De la lune qui luit entre ses blonds cheveux.

Telle sur le vitrail de mon cœur je t'ai peinte,
Ma romanesque aimée, ô pâle et blonde sainte,
Toi, la seule que j'aime et toujours aimerai ;

Mais tu restes muette, impassible, et, trop fière,
Tu te plais à me voir, sombre et désespéré,
Errer dans mon amour comme en un cimetière !

Emile Nelligan

L'amour

Vous demandez si l'amour rend heureuse ;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah ! pour un jour d'existence amoureuse,
Qui ne mourrait ? la vie est dans l'amour.

Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j'ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.

Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C'était l'amour ; c'était lui, mais sans armes ;
C'était le ciel... qu'avec lui j'ai perdu.

Sans lui, le cœur est un foyer sans flamme ;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J'ai dit bien vrai comme il déchire une âme :
Demandez donc s'il donne le bonheur !

Vous le saurez : oui, quoi qu'il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître ;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.

Dès qu'on l'a vu, son absence est affreuse ;
Dès qu'il revient, on tremble nuit et jour ;
Souvent enfin la mort est dans l'amour ;
Et cependant... oui, l'amour rend heureuse !

Marceline Desbordes-Valmore

Déclarations d'amour

Je vous aime, vous... pour l'amour de Dieu, parce que vous êtes mon prochain, parce que vous êtes l'un de mes proches. Sans l'amour de Dieu, je ne vous aimerais pas, vous ne m'êtes pas sympathique.

Je vous aime, vous... parce que vous êtes bon, parce que vous êtes sage, parce que vous agissez bien..., parce que... parce que... parce que...

Je vous aime, vous... parce que vous êtes malheureux. Si vous ne l'étiez pas, je ne songerais pas à vous, et quand vous ne le serez plus, je vous oublierai.

Je vous aime, vous... parce que vous pensez où je pense, voulez où je veux, aimez où j'aime et qu'il y a entre nous deux cette merveilleuse harmonie.

Marie noël

Aimons toujours ! Aimons encore !...

Aimons toujours ! Aimons encore !
Quand l'amour s'en va, l'espoir fuit.
L'amour, c'est le cri de l'aurore,
L'amour c'est l'hymne de la nuit.

Ce que le flot dit aux rivages,
Ce que le vent dit aux vieux monts,
Ce que l'astre dit aux nuages,
C'est le mot ineffable : Aimons !

L'amour fait songer, vivre et croire.
Il a pour réchauffer le cœur,
Un rayon de plus que la gloire,
Et ce rayon c'est le bonheur !

Aime ! qu'on les loue ou les blâme,
Toujours les grand cœurs aimeront :
Joins cette jeunesse de l'âme
A la jeunesse de ton front !

Aime, afin de charmer tes heures !
Afin qu'on voie en tes beaux yeux
Des voluptés intérieures
Le sourire mystérieux !

Aimons-nous toujours davantage !
Unissons-nous mieux chaque jour.
Les arbres croissent en feuillage ;
Que notre âme croisse en amour !

Soyons le miroir et l'image !
Soyons la fleur et le parfum !
Les amants, qui, seuls sous l'ombrage,
Se sentent deux et ne sont qu'un !

Les poètes cherchent les belles.
La femme, ange aux chastes faveurs,
Aime à rafraîchir sous ses ailes
Ces grand fronts brûlants et rêveurs.

Venez à nous, beautés touchantes !
Viens à moi, toi, mon bien, ma loi !
Ange ! viens à moi quand tu chantes,
Et, quand tu pleures, viens à moi !

Nous seuls comprenons vos extases.
Car notre esprit n'est point moqueur ;
Car les poètes sont les vases
Où les femmes versent leur cœurs.

Moi qui ne cherche dans ce monde
Que la seule réalité,
Moi qui laisse fuir comme l'onde
Tout ce qui n'est que vanité,

Je préfère aux biens dont s'enivre
L'orgueil du soldat ou du roi,
L'ombre que tu fais sur mon livre
Quand ton front se penche sur moi.

Toute ambition allumée
Dans notre esprit, brasier subtil,
Tombe en cendre ou vole en fumée,
Et l'on se dit : " Qu'en reste-t-il ? "

Tout plaisir, fleur à peine éclose
Dans notre avril sombre et terni,
S'effeuille et meurt, lis, myrte ou rose,
Et l'on se dit : " C'est donc fini ! "

L'amour seul reste. O noble femme
Si tu veux dans ce vil séjour,
Garder ta foi, garder ton âme,
Garder ton Dieu, garde l'amour !

Conserve en ton cœur, sans rien craindre,
Dusses-tu pleurer et souffrir,
La flamme qui ne peut s'éteindre
Et la fleur qui ne peut mourir !

Victor Hugo

Premier amour
I

Nous nous étions connus tout petits à l'école.
Comme son père était de mon père voisin,
Nous partions tous les deux sac au dos le matin
Nos têtes s'encadraient d'une même auréole.

Dans la rose candeur du sourire enfantin, 
Nous étions bons amis. Quand les flots du Pactole 
Roulaient chez l'un de nous, par hasard, une obole, 
Nous divisions toujours en deux parts le festin.

Souvent, aux lendemains de mes fainéantises, 
Me laissant consulter en route son devoir, 
Elle sut m'épargner l'horreur du cachot noir.

Moi, je grimpais pour elle à l'arbre des cerises, 
Pour elle je pillais la vigne et le pommier, 
Et je la défendais comme un bon chevalier.

II

Plus tard, à l'âge d'or où dans notre poitrine
Vibre l'enchantement des frissons amoureux,
A l'âge où l'on s'égare au fond des rêves bleus,
Sans songer à demain et ce qu'il nous destine,

Sous les érables du grand parc, à la sourdine, 
Nous nous cachions, loin des oreilles et des yeux, 
Et, son front virginal penché sur mes cheveux, 
Ensemble nous lisions le divin Lamartine.

Oui ! nous avons vécu l'âge de nos seize ans 
Où le cœur entend mieux ce que la lyre exprime, 
Parmi les vers d'amour frappés au coin sublime.

Oui ! nous avons connu les baisers innocents, 
Sur le lac de cristal que la nacelle effleure, 
Devant le livre ouvert à la page où l'on pleure.


III

Comme ils coulaient heureux ces beaux jours d'autrefois !
Comme nous nous aimions avec nos âmes blanches !
Dans les sentiers discrets émaillés de pervenches
Qu'épargnaient en passant ses brodequins étroits,

Nous allions écouter l'harmonieuse voix 
Des souffles attiédis qui chantaient dans les branches ;
Nous mêlions au murmure infini des grands bois 
L'écho de nos serments et de nos gaîtés franches.

Fervents du clair de lune et des soirs étoilés,
Nous allions réveiller les nénuphars des plages,
Inclinant sur les flots leurs corps immaculés.

Et nous aimions unir nos riantes images
Aux scintillants reflets des milliers d'astres d'or,
Dans l'immense miroir du Saint-Laurent qui dort.

Charles Gill

Dans la maison où notre amour a voulu naître
Dans la maison où notre amour a voulu naître, 
Avec les meubles chers peuplant l'ombre et les coins, 
Où nous vivons à deux, ayant pour seuls témoins 
Les roses qui nous regardent par les fenêtres.

Il est des jours choisis, d'un si doux réconfort, 
Et des heures d'été, si belles de silence, 
Que j'arrête parfois le temps qui se balance, 
Dans l'horloge de chêne, avec son disque d'or.

Alors l'heure, le jour, la nuit est si bien nôtre
Que le bonheur qui nous frôle n'entend plus rien,
Sinon les battements de ton cœur et du mien 
Qu'une étreinte soudaine approche l'un de l'autre.

Émile Verhaeren

L'éternelle chanson
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs, 
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille, 
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants. 
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête, 
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux, 
Et je te sourirai tout en branlant la tête, 
Et nous ferons un couple adorable de vieux. 
Nous nous regarderons, assis sous notre treille, 
Avec de petits yeux attendris et brillants, 
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse, 
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer, 
Nous aurons une joie attendrie et très douce, 
La phrase finissant toujours par un baiser. 
Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ? 
Alors avec grand soin nous le recompterons. 
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même 
De petits riens exquis dont nous radoterons. 
Un rayon descendra, d'une caresse douce, 
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser, 
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse, 
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t'aime davantage, 
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,
Qu'importeront alors les rides du visage ? 
Mon amour se fera plus grave - et serein. 
Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent, 
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens. 
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent 
Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens. 
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge, 
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main 
Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage, 
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve, 
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur, 
Retenir s'il se peut l'impression trop brève 
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur. 
J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare, 
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ; 
Je serai riche alors d'une richesse rare 
J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours ! 
Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève, 
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ; 
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve 
J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille, 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs, 
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille, 
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants. 
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête, 
Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan, 
Et je te sourirai tout en branlant la tête 
Et tu me parleras d'amour en chevrotant. 
Nous nous regarderons, assis sous notre treille, 
Avec de petits yeux attendris et brillants, 
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille 
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Rosemonde Gérard

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est une gracieuseté de

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