Aussi loin que je puisse me souvenir, tous les hommes de ma
familles étaient mineurs de fond. Mon papa l'était, mon parrain et mes oncles
eux aussi travaillaient au fond de la mine pour y extraire le précieux
charbon, énergie qui servait à produire de l'électricité dans les centrales
thermiques, mais aussi à nous chauffer et à cuisiner les repas de tous les
jours.
Grâce au métier très dur de papa, nous habitions gratuitement un
appartement dans une cité ouvrière et tout appartenait au géant
"Charbonnages de France". Nous avions droit à plusieurs tonnes de charbon par
an pour nous chauffer ainsi que d'autres avantages... Les soins médicaux
étaient gratuits et les hôpitaux nombreux pour nous y recevoir en cas de
nécessité. Les enfants partaient en été en colonies de vacances et à Noël
recevaient un cadeau (lors d' un après-midi récréatif) en fonction de leur
age et de leur sexe
Mais je me souviens aussi du son angoissant de la sirène quand
il y avait un accident et la vue des femmes qui courraient aux
nouvelles...
Papa travaillait sur 3 postes : celui du matin, de l'après-midi
et parfois la nuit. Maman préparait les casse-croûtes de pain beurré avec du
Lyoner (charcuterie bon marché) et de la moutarde, une gourde remplie d'eau
parfumée de sirop de fruits ainsi qu'un thermos de café à consommer pendant
la pause. A la fin du poste, les hommes se retrouvaient, une fois douchés et
changés, autour d'une bonne cannette de bière pour discuter de ce qui s'était
passé pendant le poste.
Notre appartement était situé au premier étage d'un petit
immeuble qui en comportait deux en plus du rez-de-chaussée. Six familles y
vivaient dans deux entrées distinctes. Les WC pour chaque famille se
trouvaient plus bas dans le couloir entre les étages et chaque fois qu'on y
allait, on prenait la clé pour ouvrir et refermer ensuite.
La porte d'entrée de l'appartement refermée derrière nous, à
gauche se trouvait le petit coin dans lequel était installé un lavabo qui
servait également d'évier et au robinet coulait uniquement de l'eau
froide. Pour nous laver on utilisait une petite bassine.... et j'entends
encore maman me dire de ne pas oublier de me laver aussi derrière les
oreilles hi hi hi....
Une autre bassine servait à laver la vaisselle dans de l'eau
chauffée auparavant sur la cuisinière à charbon. A l'époque personne ne
pensait encore à rincer les assiettes lavées avec le produit vaisselle et on
adorait s'amuser à fouetter l' eau de nos petites mains pour avoir encore plus
de mousse.
A droite, une porte s'ouvrait sur la chambre des parents.
Tout droit, c'était la pièce commune qui servait aussi bien de
cuisine, de séjour et tout et tout... La pièce était spacieuse car c'était
là qu'on passait la plupart de notre temps.
Enfin, à droite dans la pièce commune, une autre porte
ouvrait sur la grande chambre qui abritait un énorme lit double. C'est là
que mes deux frères et moi avons dormi jusqu'à mes dix ans (car nous avons
déménagé ensuite quelques rues plus loin dans un appartement plus grand afin
que je puisse avoir ma chambre personnelle.)
Derrière l'immeuble étaient alignées les dépendances qui
servaient de buanderie ainsi que d'abri pour les outils. Papa qui était
très bricoleur a fait de ses mains un coin salle de bain toute carrelée. Nous
y prenions notre bain du samedi quand nous étions devenus trop grand pour
entrer dans la petite baignoire métallique posée sur deux chaises et réservée
aux petits
Le bain du samedi était un véritable rituel. L'un de nos
parents allumait le feu sous le grand réservoir d'eau et en fin d'après-midi
maman nous lavait à tour de rôle dans la baignoire familiale. Été comme
hiver, les cheveux encore humides, on se rhabillait ensuite pour remonter à
toute vitesse les escaliers menant à l'appartement.
A cette époque, on regardait à la télévision (qui n'avait qu'une
ou deux chaines) d'anciennes comédies musicales américaines dont la
vedette était une enfant : Shirley Temple. C'était une adorable petite fille
avec des cheveux bouclés : qu'on appelait des anglaises. Nous voulions toutes
cette même coiffure et croyez moi on souffrait en silence en dormant la nuit
du samedi au dimanche avec nos bigoudis sur la tête ha ha ha.
John Wayne, Laurel et Hardy faisaient aussi partie des grandes
vedettes (on ne disait pas encore stars) de mon enfance.
Quand j'étais petite, j'adorais les grandes fêtes
familiales avec oncles, tantes, cousins, cousines et grands-parents. On
riait beaucoup, tout le monde parlait fort. Papa sortait alors son accordéon
et nous chantions tous à tue-tête des chansons que nous connaissions par
coeur.
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