Ils vivent.
Dans la brume et la neige et le givre,
Sous l'assaut coutumier des orageux hivers,
Leurs veines sourdement animent leurs bras verts,
Et suscitent en eux cette gloire de vivre
Dont le charme puissant exalte l'univers.
Pour la fraîcheur du sol d'où leur pied blanc s'élève,
Pour les vents glacials, dont les tourbillons sourds
Font à peine bouger leurs bras épais et lourds,
Et pour l'air, leur pâture, avec la vive sève,
Coulent dans tout leur sein d'insensibles amours.
En
souvenir de l'âge où leurs aïeux antiques,
D'un givre séculaire étreints rigidement,
Respiraient les frimas, seuls, sur
l'escarpement
Des glaciers où roulaient des îlots
granitiques,
L'hiver les réjouit dans l'engourdissement.
Anatole
FRANCE les sapins ( extraits ) |